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– Madame…, s’écria Jacqueline d’une voix étranglée… Mon père est ici, dans une propriété voisine… Jean vient de le voir. Il ne peut pas s’être trompé.

Et, toute défaillante de la plus tragique des émotions, elle dut s’appuyer à un meuble, tandis qu’un flot de larmes inondait son visage.

Au comble de l’anxiété, Jacques et Roger avaient dirigé en même temps vers leur mère un regard lourd d’angoisse.

Mais Mme de Trémeuse s’avançait vers la jeune femme avec toutes les apparences de la plus affectueuse compassion…

Ce n’était plus Julia Orsini, la Corse farouche, la veuve implacable et ne respirant que pour la vengeance. C’était la femme pieusement, divinement attendrie, mieux encore, la mère douloureusement meurtrie par le chagrin de ses enfants.

– Calmez-vous, ma chère petite, fit-elle d’une voix qui tremblait de la plus noble des émotions.

Et elle ajouta, tandis que son visage prenait une expression de sacrifice supraterrestre et de sublime renoncement:

– Ne songez qu’à remercier Dieu de vous avoir rendu votre père.

Et, se tournant vers Jacques et Roger, elle décida:

– Mes fils vont vous conduire eux-mêmes jusqu’à lui.

Après avoir lancé à sa mère un regard de reconnaissance infinie, Jacques de Trémeuse fit simplement à Jacqueline:

– Venez, madame!

Tous se précipitèrent vers la Palmeraie. Pris entre le père et la fille, Judex se préparait à leur dire à son tour:

– Jugez-moi!

Précédés par le petit Jean, Judex, Jacqueline, Roger et Mme de Trémeuse parvinrent jusqu’au banc que le banquier occupait quelques instants auparavant.

Mais le banc était vide.

Tout à coup l’enfant eut un cri.

Dans un massif voisin… il venait d’apercevoir un homme solidement attaché à un arbre… et la bouche couverte d’un bâillon.

Judex, le premier, arriva près de l’arbre.

– Kerjean…, se dit-il en dégageant le malheureux…

Celui-ci murmura:

– Je viens d’être bâillonné par surprise, je ne sais par qui… Favraut est enlevé… mais il ne doit pas…

– Pas un mot… devant elle! implora Judex.

Car il venait d’apercevoir Jacqueline qui accourait vers lui.

– Eh bien? interrogea-t-elle, toute haletante de la plus frénétique des émotions.

– Votre père était là tout à l’heure, déclarait Judex… mais il a disparu.

– Mon Dieu!

Encouragé par le regard de sa mère qui s’avançait vers lui, Jacques de Trémeuse ajouta d’une voix où se révélait l’amour le plus puissant qui eût peut-être jamais fait battre un cœur humain:

– Ne pleurez pas, Jacqueline, je vous le rendrai… je vous le jure.

V UN PLAN INFERNAL

Diana Monti n’avait pas perdu son temps.

Depuis le matin, toujours habillée en homme et postée aux alentours de la villa avec deux marins aux allures à la fois louches et décidées, elle avait guetté le moment favorable où elle pourrait pénétrer à l’intérieur de la propriété… et enlever Favraut à son unique geôlier.

Ayant réussi, à l’aide d’une fausse clé, à se faufiler dans le jardin par une petite porte que Judex et Kerjean croyaient condamnée, elle s’était dissimulée dans un épais massif avec ses deux nouveaux associés… attendant le moment propice pour agir.

C’est ainsi qu’elle avait vu Favraut s’asseoir sur son banc… ramasser le ballon… puis prendre le petit Jean dans ses bras… lui parler… le reconduire jusqu’au mur…

L’aventurière se demandait quelles allaient être les conséquences de cette apparition inopinée, lorsqu’elle vit Kerjean revenir vers son prisonnier et le ramener à la maison.

Alors elle n’hésita plus…

Le moment d’agir était venu. Il ne fallait à aucun prix le laisser échapper.

Elle fit un signe aux deux hommes qui l’accompagnaient…

Ceux-ci, qui s’étaient munis de tous les accessoires indispensables à leur sinistre besogne, se précipitèrent sur Kerjean, et, avec une rapidité remarquable, le ligotèrent, le bâillonnèrent en un tour de main et s’en furent l’attacher à un palmier, tandis que Diana surgissait devant Favraut et lui disait:

– Je suis Marie Verdier, l’ancienne institutrice de votre petit-fils.

Et comme la silhouette de Moralès, habillé en matelot, apparaissait, anxieuse, interrogative, dans l’entrebâillement de la petite porte demeurée ouverte, l’aventurière ajouta:

– Voici mon frère, avec qui je suis ici, pour vous arracher à vos geôliers.

– Vous… Vous! balbutiait Favraut, dont la raison encore toute meurtrie chancelait de nouveau en présence de cette intervention inattendue.

Et il ajouta d’une voix hésitante:

– J’ai vu mon petit-fils et ma fille va venir!…

Mais Diana reprenait, persuasive et autoritaire à la fois:

– Venez avec moi, il n’y a pas une minute à perdre. Judex est tout près d’ici, et il vous tuera avant que votre fille n’arrive jusqu’à vous.

Ahuri, dérouté, en même temps que dominé par le regard et la voix de cette femme jadis tant désirée, et qui surgissait tout à coup devant lui…, affolé par ce seul nom de Judex si habilement exploité par la misérable…, Favraut se laissa entraîner vers une automobile qui l’attendait au-dehors… et qui, par un chemin détourné, le conduisit jusqu’au port.

– Ne craignez rien, disait Diana. Laissez-vous conduire par nous, aveuglément. C’est seulement à cette condition que nous pourrons vous arracher à votre ennemi. Sinon vous êtes perdu irrémédiablement.

Et l’infernale créature ajoute avec cet accent qui, autrefois, avait tant troublé le père de Jacqueline et qui l’enveloppait en sa demi-inconscience d’une sorte de musique apaisante et suave:

– C’est fini, le mauvais rêve… maintenant vous resterez avec nous… Nous vous défendrons… nous vous vengerons…

Et elle ajouta en se penchant à son oreille:

– Vous savez bien que je vous aime.

Favraut, complètement repris, se laissa guider comme un pauvre malade qui, après avoir été en proie aux affres de l’agonie, commence à revenir à la vie et voit briller enfin l’aube radieuse d’une prochaine convalescence.

Et il se taisait… les yeux à moitié clos… bercé, grisé par ces paroles si astucieuses… emporté dans un rêve de félicité renaissante et de paix infinie.

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